mardi 12 février 2013

«Un tournant attendu dans la guerre»


Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques, enseignant au Collège interarmées de Défense

«Un tournant attendu dans la guerre»

Peut-on parler d'une deuxième phase dans la guerre au Mali ?
Je pense que c'est un tournant dans la guerre qui était attendu, ou au moins envisagé, et qui consiste en ce que les différents mouvements terroristes essayent de se livrer à des sortes d'attentats suicides, à une guérilla urbaine, à se fondre dans la population locale. C'était à prévoir, vu qu'ils s'étaient dispersés. Les attentats suicides sont très spectaculaires, mais il faut voir quelle ampleur ça peut prendre.
Justement, les islamistes au Mali ont-ils les moyens de perpétrer des attentats régulièrement ?
Ce sont des groupes peu nombreux, qui disposent de peu de soutien dans la population locale, à part dans quelques villages. Il faut voir comment seront contrôlées les frontières, notamment avec l'Algérie. Il me semble aussi qu'il sera difficile pour eux d'être fortement approvisionnés.
Qu'en est-il des rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national de libération de L'Azawad) ?
Le MNLA est très présent dans certaines zones, où il a donné un appui aux militaires français et maliens, mais il est aussi très mal vu par la population, pour son alliance avec les groupes islamistes comme Ansar-Dine. Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas de reconstitution du Mali sans réconciliation avec les Touaregs.
Faut-il s'attendre à voir rapatrier les premiers cercueils de militaires français ?
L'armée française est moins en danger qu'en Afghanistan, mais il est difficile de considérer qu'il n'y aura pas de victimes si la guérilla s'intensifie. Les attaques de rue qui ont lieu désormais sont plus risquées que les attaques aériennes menées jusqu'à présent. Après, on n'a pas non plus eu toutes les infos sur le nombre de soldats blessés depuis le début de l'intervention.
Laurent Fabius avait parlé d'un début de retrait en mars, est-ce crédible ?
Pour une part des troupes, oui bien sûr, mais on maintiendra des forces spéciales, ou la Légion, car il n'y a pas de relais significatif des armées africaines, et les islamistes pourraient très bien redéfaire l'armée malienne.
Ce type d'opération est-il compatible avec les coupes déjà effectuées et annoncées dans le budget de la Défense ?
Une estimation officielle a été faite à 70 millions d'euros, ce qui me semble un peu sous-estimé. Il faut savoir qu'il y a des dépenses d'entretien qui ont lieu même sans intervention, mais pour l'instant, les ministères de la Défense et du Budget cherchent à faire participer les autres ministères et pays européens.
Recueilli par Olivier Auradou

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